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2015-03-16T16:56:32+01:00

La place de l'homme dans tout ça?

Publié par Coralina

Un sujet abordé sur un forum m'a donné envie d'écrire sur ce sujet probablement encore plus tabou aujourd'hui: la place du papa dans la fausse couche et les essais qui s'ensuivent. Je me suis aperçue que le vécu de mon couple se retrouve chez beaucoup d'autres et il m'a donc semblé judicieux d'en parler ici.

Evidemment, on ne trouvera là que mon humble point de vue féminin, un parmi tant d'autres, mais si ça peut répondre à certaines interrogations, ce sera déjà ça.

Lors de ma première fausse couche, notre couple a souffert. Alors qu'il s'était très vite investi dans ma grossesse, que c'était lui qui refusait de baisser les bras devant les résultats inquiétants, il s'est avéré qu'après le verdict, il m'a semblé indifférent. Il ne m'a pas bousculée, rien dit de particulier mais il avait l'air de prendre cela avec un détachement surhumain pour un futur papa si heureux quelques jours plus tôt. J'ai serré les dents, pleuré en cachette et espéré vite oublier cette mésaventure. C'est un leurre, le deuil prend des mois, et on n'oublie jamais. Je suis marquée à jamais, voire même traumatisée d'une certaine manière, la politique de l'autruche est impensable pour moi.

Après trois semaines environ, et un climat tendu entre nous deux, une dispute a éclaté. Je ne me souviens plus du sujet, cela n'avait rien à voir. Cependant on se dispute très rarement, on vit en harmonie l'un avec l'autre, on compte en un an nos disputes sur les doigts de la main. Celle-là n'était que le témoin audible d'un malheur partagé mais muettement. Alors j'ai éclaté en sanglots, devant lui pour le coup et c'est sorti. Je lui ai reproché son indifférence, lui ai demandé comment il faisait parce que j'enviais son détachement, alors que moi je vivais avec ce bébé fantôme dans mes tripes au quotidien. Tout est sorti, entre des flots de larmes. Je lui ai fait comprendre que je commençais à me demander si dans l'histoire, on n'avait perdu "que" notre bébé. Alors enfin il s'est révélé. Enfin il a sorti ce qu'il taisait aussi. En bon homme, il s'était fait le devoir d'être fort. Selon lui, je souffrais bien plus que lui, il devait donc être fort pour moi. Et pour beaucoup de ces messieurs, la force se manifeste par une apparente indifférence. Le fait est qu'il souffrait autant que moi, cela ne fait aucun doute. Mais il avait opté pour le silence afin de m'épargner, de m'aider à remonter la pente, ce qui a eu finalement l'effet totalement opposé. Une fois que l'abcès a été percé, nous avons compris que pour nous en remettre, il fallait qu'on se serre les coudes et que pour cela, c'est le dialogue la seule pommade efficace.

Lors de ma seconde fausse couche, je ne lui ai rien caché de mon chagrin et ma révolte. J'ai pleuré devant lui, il m'a prise dans ses bras, m'a dit comme lui aussi était affligé, mais qu'il ne perdait pas une miette de son espoir et de sa volonté. J'ai eu des "rechutes", des passages où c'est dur, où je pleure à nouveau, et je n'ai même plus vraiment la force de tous les lui épargner et il comprend, il me fait part de ses questions, de ses angoisses à lui aussi. Parce que nos bébés, nous les avons faits et perdus à deux, que la souffrance est à deux, que l'avenir se construit encore à deux. Alors cette nouvelle fausse couche, bien qu'un bon coup de massue et une multiplication par mille de ma fragilité intérieure, elle n'a rien changé à notre couple. Je me demande même si elle ne nous a pas soudés encore davantage.

Par ce témoignage, ce que je cherche à dire, c'est qu'on a beau vivre cela chacun et chacune à sa manière, le silence n'est (je le pense sincèrement) jamais la bonne solution. Même dans le cas d'une grossesse non désirée, je suis certaine qu'aucun homme n'est réellement indifférent. Même s'ils n'en vivent pas la partie physique, eux aussi perdent leur bébé. Et voient leur femme au plus mal, tout en se sachant concrètement impuissants face à ce malheur. D'où l'importance du dialogue. Ces messieurs ont du mal à comprendre que montrer leurs sentiments, à fortiori leur souffrance, ne feront pas d'eux de faibles créatures mais au contraire simplement des individus humains et investis dans cette quête de la paternité! Je pense qu'il est aussi à nous de non seulement nous autoriser nous-même à morfler, à avoir besoin de temps et de soutien pour s'en remettre mais aussi d'en parler avec le papa, de l'encourager à exposer leur ressenti, leurs questions.

De plus, n'oublions pas que la fausse couche peut être un hasard, mais aussi un souci chez la maman ou encore un souci chez le papa. Les fausses couches laissent planer cette question terrible: suis-je capable de donner la vie? C'est très dur pour nous, ça l'est autant pour eux, voire plus. Ils y tiennent, à leur virilité ces messieurs, et la fertilité en est au centre. C'est ce noyau de leur identité masculine, ce secret bien caché, leur fierté au premier cri de leur bébé. Que pense un homme dont chaque début de vie se termine brutalement? Evidemment qu'ils s'en posent des questions, et elles font peur, ces questions...

Je finirai cet article en remerciant de tout coeur celles dont je reçois en privé des compliments et soutiens concernant ce blog. Ma plume n'a pas la prétention d'être extraordinaire, seulement authentique, afin de lever ce tabou qui n'a pas lieu d'être. Me sentir comprise et encouragée me fait du bien, car mon estime de moi-même en a aussi pris un coup, dans tout ça, et de base déjà elle n'a jamais volé bien haut.

Petit proverbe aux couples en deuil: Une joie partagée est une double joie, un chagrin partagé est un demi-chagrin.

La place de l'homme dans tout ça?

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C
Je te remercie pour ton message Elodie. Le but premier de ce blog c'est que des femmes qui vivent cette douloureuse épreuve se sentent moins seules, pas si "anormales" dans leurs émotions, finalement. Les hommes veulent toujours être "plus forts", ils sont construits comme ça, ce qui expliquent pourquoi ils réagissent plus tard dans ces épreuves qui risquent de mettre leur fragilité à nu. C'est bien que le tien ait finalement réussi à sortir tout ça, c'est tellement important. Je pense que la 1è FC, on n'en fait jamais vraiment le deuil. Du moins pour ma part, ce premier bébé restera à jamais notre premier bébé. La 2è ne m'a pas fait pareil, elle m'a surtout confirmé que le chemin vers la maternité risque d'être long voire interminable. Je te souhaite de tout coeur que cette écho révèle un beau bébé plein de vie, c'est plus que mérité. La vie s'acharne mais, parfois, elle sait se faire pardonner.
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E
Bonjour,<br /> <br /> Je pleure à la lecture de cet article, je nous reconnais tellement. Comme toi (je me permets le tutoiement, en espérant que ça ne dérangera pas), j'ai connu la douleur de la fausse couche (spontanée, à 11 SA, après 12 mois d'essais). Je ne prétends pas connaitre ta souffrance, car j'ai eu la chance de ne connaitre cette épreuve qu'une seule fois (pour le moment ?). Quand c'est arrivé, l'homme était absent, et il n'a pu me rejoindre à l'hôpital que quelques heures plus tard... je n'ai pas essayé de lui dissimuler ma souffrance, et j'ai pleuré dans ses bras de nombreuses fois (et les cycles d'après, chaque fois que les règles revenaient...). Je voyais qu'il était mal aussi, mais il me disait que pour lui c'était pas pareil, que c'était moi qui souffrait le plus, que c'était moi qui avait porté la vie et subit cette douloureuse épreuve. Je l'encourageais à parler à quelqu'un, même si ce n'était pas à moi, et il me disait qu'il se confiait à son associé (qui est aussi un ami, et qui, ayant fini par adopté un petit garçon, connait le sujet). Le temps a passé depuis l'été dernier. En mars, je suis retombé enceinte, 20 mois après le début de nos essais. Nous avons tous les deux eu le réflexe de ne pas vouloir nous attacher à cette grossesse avant les 12SA. Douce illusion, c'est impossible, nous morflerons tout autant si le destin décide de s'acharner... Demain j'ai ma première écho, enfin ! Comme je n'ai fait "que" une fausse couche, les médecins n'ont pas jugé utile d'augmenter le suivi. Et nous vivons avec cette angoisse : "que va-t-on trouver ?". Il y a quelques semaines, nous avions des amis à la maison (son associé et sa femme), et mon chéri a bu bien plus que de raison. Une fois couché, j'ai fait une allusion à ma grossesse en cours, et là, il a complètement craqué. Il s'est effondré en larmes et m'a confié (enfin !) toute sa détresse, son ressenti lors de la fausse couche, et son incertitude quant à pouvoir supporter ça une deuxième fois. Il s'en voulait énormément de craquer, parce que selon lui, c'est lui l'homme, c'est à lui d'être fort, et ce n'est pas mon rôle d'avoir à le soutenir émotionnellement (pas macho pour deux sous pourtant dans la vie quotidienne). Il me disait qu'il essayait de ne pas s'attacher, mais que c'était plus fort que lui, qu'il préférait mourir plutôt que de revivre ça... J'ai compris il y a quelques semaines que ce qu'il m'avait permis de faire (pleurer, hurler ma rage, ma colère, ma culpabilité...), personne ne lui avait permis à lui. Avec son associé, il n'en avait parlé que de manière superficielle... Et de ce premier bébé, il n'avait pas fait le deuil. Nous avons passé la nuit à discuter, à tenter de nous rassurer, nous disant qu'on avait déjà eu tellement la poisse que la vie ne pouvait pas être encore une fois une salope... Et aussi que si jamais ça devait être le cas, on ne pourrait rien faire d'autre que de morfler à nouveau... mais à deux cette fois, ensemble.<br /> Je termine mon long message en te souhaitant de connaitre bientôt ces angoisses là, celles qui t'empêche de dormir avant la première écho, et toutes celles qui doivent arriver après, et toute celles qu'une maman ressent au quotidien pour ses enfants.
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