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Inutile que je vous fasse un dessin, ce soir, pour vous illustrer mon angoisse. Terrible. Invisible mais monumentale. J'ai hâte autant que je redoute de savoir. Tant de questions... Sera-t-il bien placé? Fera-t-il la bonne taille? Verra-t-on son cœur battre? Je n'ai pas le droit à l'erreur, si on me répond "non" à une de ces trois questions, le début de rêve prendra fin, s'écrasera sans prévenir, encore.
Je ne suis pas prête. Je me sens comme une étudiante qui passe un examen pour lequel elle n'a pas révisé. Je n'ai aucun moyen d'augmenter les chances de bon résultat. Enfin, j'ai fait de mon mieux: progestérone, plus de port de poids lourd, un seul café par jour, m'asseoir davantage, dormir davantage...J'ai fait de mon mieux, ai tout donné. Je ne me sens pas prête à voir un nouvel échec en direct sur un écran. Pas envie d'entendre "il est petit, vous êtes sûre de votre ovulation?", "je ne vois pas le cœur" ou pire "c'est fini". Je ne m'en relèverais pas, ne comprendrais pas... Pourquoi cette grossesse miracle, après tant de mois de résignation et de douleurs, pour une nouvelle claque, la pire de toutes? Non, autant j'essaie de donner un sens à tout, autant là je n'y parviendrais pas. Je m'écroulerais, purement et simplement. J'abandonnerais, deviendrais un monument de douleur, me dirais que la maternité, ce ne sera pas pour moi. Je refuse d'envisager sérieusement ce scenario.
Mardi, c'était la fête du symptôme ici. Tiraillements présents tooooute la journée, fatigue extrême, j'avais l'impression d'être arrivée au bout de mes limites, sensation d'être barbouillée du matin au soir. Je me disais qu'en soi, c'était rassurant, pour être dans cet état, ça devait évoluer là-dedans...Mais depuis mardi, je pense que ce sont aussi mes angoisses qui parlent, c'est plus calme. Moins de tiraillements, une fatigue moins intense, un appétit moins fluctuant, seuls mes seins demeurent inchangés. Alors cette petite voix vicieuse me murmure "tu verras demain, il aura quasiment la bonne taille, mais le petit coeur ne battra pas, il s'est arrêté ces derniers jours..." C'est affreux d'entendre cette voix qui nous hante jusque dans nos rêves.
Le positif dans tout ça? Je ne saigne toujours pas et ose croire que ce ne sont pas 200 mg quotidiens de progestérone qui parviendraient à tout camoufler d'une grossesse arrêtée. Même s'ils sont moins intenses, mes tiraillements persistent et, surtout, je conserve ma poitrine de rêve. Mon girophare reste éteint, aucun sale pressentiment, juste des angoisses de fille traumatisée par ses FC et l'infertilité totale qui la guette. Chéri le sent bien aussi. Il stresse un peu mais il y croit. Alors peut-être qu'enfin le vent a tourné en notre faveur. Peut-être que demain ce seront enfin des larmes de bonheur que je verserai en découvrant notre petit pois sur un écran, le coeur battant avec le mien. Peut-être qu'enfin je serai fière, fière de donner à l'élu de mon coeur un petit bout de nous. Peut-être qu'on sourira, tout émus, que je commencerai à me dire que ces deux ans passés de souffrances et désillusions sont en passe de s'évaporer peu à peu. Peut-être qu'enfin, on se dira qu'on a le droit à notre part de bonheur. J'espère plus fort que je n'ai jamais espéré...Demain, 11h, on sera fixés.
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